Le cerveau
La lecture est une invention culturelle. Elle est donc apparue après l’évolution de l’Homme moderne. C’est pourquoi il n’existe aucune région spécifique qui « s’occupe » de nous aider à lire. Nous avons plutôt mis en place, majoritairement dans l’hémisphère gauche, une série de circuits qui interagissent entre eux. Certains sont responsables de procéder aux correspondances entre les lettres (graphèmes) et leurs sons (phonèmes), ce qui rend possible une lecture graphophonétique :le décodage. D’autres s’occupent davantage de la représentation graphique , soit la lecture globale. Ces deux régions nous permettent de lire et de prononcer des mots pour finalement rejoindre le centre « sémantique » qui gère le sens des mots.
En imagerie cérébrale, nous possédons maintenant 3 techniques beaucoup moins invasives qui permettent de travailler plus fréquemment avec des enfants de tous âges. Voici 3 techniques fréquemment utilisées dans les divers milieux de recherche.
Le P.E.T. scan : mesure le taux de glucose dans les cellules du cerveau durant leur activité.
Le FMRI: mesure le taux d’oxygène dans le sang
Le MEG: mesure l’influx nerveux c’est- à-dire le mécanisme d’activation entre les cellules (ordre et temps).
Ces différentes techniques permettent de constater le manque d’activation de certaines zones cérébrales chez les dyslexiques durant différentes tâches en opposition à des sujets non-dyslexiques . Elles permettent également de constater l’activation de certaines zones qui en fait, ne devraient pas être activées du fait qu’elles ne soient pas destinées à faire la tâche demandée.
non-dyslexique | dyslexique |
Le rouge montre les zones activées ( différentes tranches du cerveau) durant la lecture de mots de ressemblance visuelle.
source: Université de Washington, (Nandy, Cordes, Berninger, Richards, Stanberry et Maravilla)
Les études ont démontré que ces zones changent et évoluent au rythme de notre croissance et de notre vieillissement. De plus, elles ont également prouvé que ces connexions étaient déficientes chez la population de dyslexiques. Les données disponibles sur le développement normal du cortex permettent de dater au milieu du 6ième mois de gestation le mécanisme anormal ayant abouti à la production de ces neurones en excès et en position atypique.
Dans les années 80, la technologie avait permis d’identifier une symétrie anormale entre certaines partie des hémisphères droit et gauche ainsi que de constater la présence d’ectopies ( déplacement de tissu du cerveau à sa surface). L’avenue de diverses techniques d’imagerie permet de voir une altération du volume de la matière grise ainsi qu’une atteinte de la matière blanche dans l’hémisphère gauche. Ils restent maintenant à déterminer l’impact de ces constats sur le développement des circuits du langage oral et écrit.
De plus, ce développement technologique a permis d’étendre la recherche mondialement. Plusieurs études de différents pays convergent vers l’atteinte de différences aires de l’hémisphère gauche ( Richlan et al, 2011). Ces constats nous confirment l’universalité de la dyslexie à travers différentes langues.
L’oeuf ou la poule ?
Bien que la modernité des appareils nous permette de grands avancements, un défi demeure pour les chercheurs: est-ce que les différences anatomiques et chimiques sont la cause de la dyslexie ou simplement les conséquences d’une exposition trop faible à la lecture? En effet, pour reprendre une vieille publicité québécoise : «Plus de gens en mangent parce qu’elle est plus fraîche; elle est plus fraîche parce que plus de gens en mangent ». En d’autres mots,plus un individu aura de difficultés à lire, moins cet individu voudra s’adonner à des activités impliquant la lecture …
Dans les dernières années, Galaburda et son équipe ont découvert un lien entre la testostérone et certaines différences au niveau de la migration de cellules qui seraient responsables d’interpréter les sons. Un gène en particulier serait visé et cette mutation augmenterait « l’excitabilité » de cellules dont le travail consiste à « bien entendre les sons ». Cette découverte ouvre une toute nouvelle porte à l’équipe. Et si l’on pouvait, tout comme dans les cas de Trouble Déficitaire de la capacité d’Attention avec ou sans Hyperactivité ( TDA/H), médicamenter la dyslexie? En contrôlant la quantité de certains neurotransmetteurs responsables des synapses entre ces cellules, pourrions-nous « calmer » leur excitabilité et les rendre plus efficaces ? Nous sommes encore très loin d’une réponse, mais une nouvelle voie d’hypothèses s’ouvre.
La théorie d’un déficit des cellules magnocellulaires se poursuit également. L’hypothèse veut qu’un délai d’activation cause une lenteur de traitement d’informations visuelles qui occasionnerait une juxtaposition de l’image. Notons que les cellules magnocellulaires sont responsables de diriger l’attention vers les détails particuliers d’un mot ou d’une image. Cette hypothèse est remise en question et semble être remplacée par la théorie du « trouble temporel ». Habib fait état de découvertes d’anomalies au sein de noyaux appelés corps genouillés. Certaines des grossses cellules de ces noyaux seraient atrophiées. Ces dernières seraient responsables du relais « d’un certain type d’informations sensorielles ayant trait à la perception globale et à la transmission rapide de l’information, tant auditive que visuelle. Ces anomalies magnocellulaires ont été rapprochées des constatations citées plus haut d’anomalies de la perception des informations visuelles rapides et à faible contraste chez le dyslexique. »
Une nouvelle hypothèse quand à la cause des difficultés en lecture chez nos dyslexiques a fait son apparition depuis quelques années: les troubles visuo-attentionnels
L’hypothèse d’un déficit biochimique au chapitre de certains acides gras poursuit son cours. Les études de Robinson, Sparkes, Dunstan et Conway ont réussi à identifier chez certains mauvais lecteurs, une déficience de certaines chaînes d’acides gras. Sans entrer dans l’énumération de ces dernières, le constat qui en ressort tant chez les mauvais lecteurs que pour les enfants affichant des troubles attentionnels est que les résultats des différentes recherches sont encore à un stade beaucoup trop vague et précaire pour pouvoir identifier et isoler qu’une clientèle spécifique affiche une déficience dans un séquence d’acide gras donnée. Donc attention aux divers produits disponibles sur le marché qui vantent leur efficacité pour régler certains problèmes académiques. Certains de mes clients essaient un produit et ça fonctionne tandis qu’un autre enfant affichant le même profil ne verra aucun effet. Malheureusement, tout est encore à préciser.
Méthodes d’enseignement et rééducation :
Les dernières recherches du National Reading Panel et del’INSERM reconfirment les informations ci-dessous.
Les études sur les différentes méthodes d’enseignement et de rééducation ont permis d’identifier celles qui contribuent à modifier l’activation cérébrale, donc à améliorer la performance des dyslexiques dans divers domaines connexes au langage écrit. Tous s’entendent sur l’importance d’une intervention précoce ( dès 4 ans) chez les enfants présentant des signes précurseurs de troubles du langage écrit. La clé demeure une intervention explicite, systématique, multisensorielle et répétitve du code alphabétique et phonologique. La méthode dite « globale » ( mots étiquettes) demeure la moins efficace.
Des chercheurs de l’Université d’Amsterdam ont demandé à un groupe d’enseignants expérimentés spécialisés en rééducation d’évaluer l’efficacité des méthodes d’enseignement de l’orthographe dans leurs groupes respectifs. Il en ressort qu’une combinaison de règles de formation de mots et de représentation du schème orthographique du mot entier demeure le plus efficace. Hors, la méthode la moins efficace est la mémorisation du mot sans voir l’orthographe de ce dernier. De plus, l’étude de McCutchen, Harry, Cunningham, Cox Sidman et Covill (2002), démontre que la performance en lecture des étudiants est directement reliée à la connaissance du système phonologique de leurs enseignants. Il serait donc urgent de revoir la formation des enseignants et des orthopédagogues afin d’inclure des cours sur le développement des processus de lecture, du code alphabétique et phonologique.
Étant donné la facilité pour les dyslexiques de visualiser certains concepts, l’utilisation d’organisateurs graphiques est fortement recommandée pour la compréhension de lecture, l ‘écriture de textes et l’étude ( toutes matières confondues). Ces outils viennent pallier leur faiblesse à organiser les informations. Leur registre séquentiel étant très fréquemment affecté, ces organisateurs aident à établir un ordre qui leur permettra de mieux comprendre les relations entre concepts et en plus, facilitent leur habileté à résumer et à faire ressortir les éléments essentiels du sujet.
Voici des adresses où des organisateurs graphiques vous sont suggérés:
http://teachers.teach-nology.com/web_tools/graphic_org/concept_web/( vous entrez votre sujet, ils vous fournissent l’organisateur)
http://www.graphic.org ( modèles déjà faits)
http://www.inspiration.com/
Développement du langage
Patricia Kull, Ph.D., orthophoniste et professeure à l’Université de Washington nous expliquait le résultat de ses recherches sur le développement du cerveau des nourrissons de 6 à 8 mois en rapport avec leurs habiletés de reconnaissance des sons propres à leur langue. Après avoir travaillé avec des bébés de plusieurs nationalités, elle constate qu’entre l’âge de 6 et 8 mois, tous les bébés » ont un cerveau universel », c’est à dire, peu importe leur nationalité et la langue à laquelle ils étaient exposés, tous les enfants étaient capables de reconnaître tous les sont présentés. Entre 10 et 12 mois, le cerveau choisit et organise les structures qui seront propres à sa langue. Donc, par exemple, les bébés de cet âge qui parlaient exclusivement l’anglais ne reconnaissaient plus les sons propres à la langue mandarine et vice versa.
Durant cette période ( entre 10 et 12 mois), en exposant ces enfants à une autre langue à travers des jeux en interaction avec un adulte, le cerveau réorganise ses structures et peut reconnaître les nouveaux sons. Par contre, les enfants qui avaient été exposés à l’autre langue à travers des jeux d’ordinateurs ou la télévision n’ont montré aucune amélioration, donc, n’arrivaient toujours pas à reconnaître les sons de la seconde langue.
Cette découverte porte une nouvelle lumière sur l’importance de parler et de jouer avec nos enfants, DÈS LEUR NAISSANCE ! La suite des recherches précisera le type d’interventions à priviligier afin de prévenir les difficultés que causent les différents troubles scolaires affectant le langage oral et écrit ( dyslexie, certaines dysphasies … ) Les différents programmes de nos centres de la petite enfance ( C.P.E.) tiennent-ils compte de cette réalité? La formation des techniciennes est-elle adéquate? Une grande proportion d’enfants québecois sont en garderie 5 jours par semaine de 10 à 12 mois par année. Il est donc primordial que « nos décideurs » tiennent compte de cette réalité. Les enjeux sont grands tant au niveau social qu’économique. En intervenant dès la jeune enfance, l’on contribue à considérablement diminuer le taux d’enfants en difficulté donc, à augmenter le taux de diplômés.
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